RDC : Kabila-Cenco, le bras de fer ?

Le moins que l’on puisse dire est que cela n’a jamais été le grand amour entre le chef de l’Etat congolais et les têtes couronnées de l’église catholique du Congo. Le désamour du Cardinal Laurent Monsengwo pour le régime de Kinshasa est un secret de polichinelle. Mais, cette fois-ci, la tension est montée d’un cran.

Dans un bilan de la situation du pays fait lors de sa 54 ème assemblée plénière ordinaire le vendredi 23 juin dernier, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) a appelé le peuple congolais à prendre son destin en main pour mettre fin à la crise qui, selon elle, devient de plus en plus inquiétante. Dans ce rapport intitulé « Le pays va très mal. Debout congolais », les évêques congolais n’y vont pas de main morte et dénoncent : «Une minorité de citoyens a décidé de prendre en otage la vie des millions de Congolais. C’est inacceptable. Nous devons prendre en main notre destin commun ». Les catholiques de RDC demandent à la population de se « mettre debout » et de « ne plus accepter d’être dévorés par cette petite minorité qui exploite la RDC à de fins personnels et appellent tous les chrétiens à partir du 30 juin, à un moment de prière intense et de jeûne pour la nation ».

Ceci aurait eu pour effet d’exaspérer Joseph Kabila, qui de retour d’un sommet en Afrique du Sud, aurait convoqué lundi à Lubumbashi, sénateurs, députés nationaux et provinciaux du Katanga et des responsables des confessions religieuses. Constatant l’absence de l’archevêque de Lubumbashi, Monseigneur Jean-Pierre Tafunga, le président congolais se serait énervé et interpellé le vicaire général Moto : « où est-il ? », rapporte La libre Afrique. L’archevêque aurait zappé le chef de l’Etat pour aller à un deuil.

Ce crime de lèse-majesté aurait poussé Joseph Kabila à déverser sa bile sur les autres membres des confessions religieuses présents dans la salle, particulièrement les catholiques « Vous voulez créer le désordre (…) Vous nous menacez s’il n’y a pas les élections en décembre prochain. Vous dites que c’est décembre ou rien (…) Ce sont les catholiques qui étaient les médiateurs lors des négociations de la Saint-Sylvestre. On a bien dit que si on voyait qu’on ne pouvait pas organiser les élections, le gouvernement, le CNA et la Ceni pouvaient proposer un autre calendrier ». Et de poursuivre, en évoquant l’impossibilité actuelle d’organiser les élections au Kasaï vu les violences. « On ne peut pas organiser les élections si on n’a pas enregistré les électeurs au Kasaï ».

Le message des évêques congolais a provoqué une véritable levée de boucliers dans la classe politique, où l’on observe depuis, des réactions musclées ralliant le pavé dans la mare des catholiques. Ainsi, samedi 24 juin au lendemain de la plénière de la CENCO, dans un communiqué, le G7 a salué le message des évêques catholiques, et appelé à la tenue des élections avant la fin de l’année. Pour le G7, le message livré par la CENCO est «lucide, clair, pertinent et courageux; au moment où la répression et la misère poussent certains Congolais à tomber dans le découragement et le désespoir.» Son porte-parole, Christophe Lutundula a déclaré aux médias : « Nous souscrivons la déclaration [des évêques] qui rencontre bien la nôtre, nous souscrivons à son contenu et à l’appel lancé aux Congolais (…) Quoiqu’il en soit, le G7 insistera au Rassemblement [des forces politiques et sociales acquises au changement] pour que tout soit mis en œuvre pour contraindre le président Kabila à libérer le processus électoral et à la CENI, à organiser les élections dans les délais convenus».

De son côté, l’UNC de Vital Kamerhe, sur la même lancée, réclame la tenue des élections avant fin 2017, tout en revendiquant le message de évêques.

Le Front républicain des centristes, un regroupement politique, s’est également fendu d’une déclaration politique va-t-en guerre : « A ce jour, il ne fait l’ombre d’aucun doute que le Président Joseph Kabila, sa famille politique et leurs alliés s’inscrivent résolument dans la stratégie du chaos au mépris de l’attachement du peuple congolais à la paix, à la démocratie et à l’Etat de droit. (…), il « appelle la communauté internationale à intensifier les pressions diplomatiques sur le président Joseph Kabila et son régime dont les dérives totalitaires ne sont plus à démontrer ».

A n’en point douter, les jours à venir seront difficiles à vivre pour les congolais, les opposants au régime de Joseph Kabila ayant clairement choisi, comme Félix Tshisekedi, de mettre la population dans la rue…

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